Qu’est-ce que la théorie du singe enivré et pourquoi est-elle capitale ?
Publié le :
Novembre 6, 2019
Categories :
Recherche
Si vous avez déjà testé les champignons psychédéliques, vous savez qu’ils ouvrent l’esprit d’une manière difficile à reproduire lors d’un état de conscience normal. Mais avez-vous envisagé la possibilité qu’ils soient la raison de notre évolution actuelle en tant qu’espèce intelligente ?
Voici exactement ce que suggère la théorie du « singe enivré » : les champignons seraient ce qui a catapulté l’homme des cavernes vers Michel-ange, les primates vers Einstein. C’est une idée intéressante et elle semble plausible sur certains points. Elle a pourtant ses limites. Jetons donc un œil à cette théorie et explorons les principales raisons faisant qu’elle est ou n’est pas précise.
QU’EST-CE QUE LA THÉORIE DU SINGE ENIVRÉ EXACTEMENT ?
L’idée derrière la théorie du singe enivré est que le saut dans l’évolution de l’_Homo erectus_ vers l’_Homo sapiens_ fut catalysé par la consommation de champignons psychédéliques. C’est une réponse proposée à l’éternelle question de comment nous avons évolué du premier homme bipède vers l’humain au cerveau de taille doublée. C’est un processus qui n’a pris que 200 000 ans, soit un claquement de doigt dans notre histoire évolutive.
Cette théorie fut d’abord proposée par Terence McKenna en 1992. Il était un ethnobotaniste américain, mystique, psychonaute, auteur et défenseur d’une consommation responsable des plantes psychédéliques tels que le cannabis et les champignons. Il était connu pour ses conférences ardentes sur des myriades de sujet y compris les drogues et psychédéliques, le chamanisme, la métaphysique, l’alchimie, le langage, la philosophie, la culture, la technologie, l’environnementalisme, et pour ce qui est peut-être son travail le plus célèbre : ses théories sur les origines de la conscience humaine.
Durant des années, il fut considéré comme un excentrique trop « borderline » par la plupart des gens, mais étant donné le regain d’intérêt pour le potentiel soignant des champignons psilocybine, la théorie du singe enivré a reçu beaucoup plus d’attention ces derniers temps.
McKenna a théorisé que les « champignons magiques ont joué un rôle pivot dans l’évolution de notre espèce ». On pense que les champignons affûtaient la vision, ce qui facilitait la chasse et qu’ils augmentaient le désir sexuel, rendant ainsi plus prolifique. McKenna a également suggéré que les champignons magiques ont eu un effet profond sur l’intellect humain en « stimulant la partie du cerveau hébergeant le langage et en provoquant des expériences religieuses qui auraient ouvert la voie vers nos comportements modernes ».
Pour faire court, il pense que les champignons ont été un catalyseur évolutionnaire qui a fini par nous transformer en l’humain que nous connaissons tous aujourd’hui.
LES PSYCHÉDÉLIQUES ET LA PSYCHÉ HUMAINE
La vérité, c’est que la science n’a toujours pas rattrapé son retard sur les psychédéliques et leur impact sur le cerveau humain reste quelque chose de mystérieux. Heureusement, des études dans ce domaine sont en cours et il semble que les psychédéliques diminuent l’activité dans une partie du cerveau appelée réseau du mode par défaut. Ce réseau régule notre sens du moi et notre manière d’interpréter ce qui nous entoure. Pour faire simple, il contrôle notre sentiment d’existence le plus profond.
Il semblerait que les psychédéliques « éteignent » essentiellement ce réseau, ce qui créé de nouvelles connexions dans le cerveau de manière toutefois temporaire. Cependant, ces connexions peuvent mener à de nouvelles inventions, des épiphanies et pousser à se débarrasser de patterns nocifs présent dans le cerveau sur une période de temps trop longue.
Les chercheurs pensent qu’ils peuvent «redémarrer le cerveau » (façon de parler) et beaucoup d’entre eux pensent qu’ils peuvent finalement pousser le consommateur à un « état de conscience élevé » comparé à la conscience typique d’un être éveillé.
Pour cette raison, les psychédéliques sont désormais étudiés en guise de manière de traiter différentes conditions mentales. À l’aide d’une méthode appelée « microdosage », certaines personnes consomment une quantité infime de drogue psychédélique (généralement de la psilocybine) contre l’anxiété, la dépression, les SSPT et autres troubles de la santé mentale. Ces petites quantités ne suffisent pas pour faire planer, mais les effets sous-jacents sur le cerveau sont tout de même présents.
Selon Matthew Johnson, docteur et professeur associé en psychiatre et en sciences comportementales à John Hopkins, « nous avons découvert des réductions drastiques [dans les niveaux d’anxiété et de dépression] après une session à forte dose, cette réduction a continué sur les six mois suivants ».
LES ARGUMENTS CONTRE LA THÉORIE DU SINGE ENIVRÉ
Naturellement, cette théorie est légèrement controversée et de nombreuses personnes ont des débats passionnés pour s’y opposer. Par exemple, on dit souvent que McKenna se baserait seulement sur des suppositions sans preuves pour soutenir ses déclarations.
« Chacune de ces suppositions mène à une question : où est la preuve ? » a déclaré Sam Woolfe, pigiste basé à Londres. « Il semble aussi que McKenna a mal compris les découvertes de Fischer et Hill. Dans leur étude, ce qu’ils avaient en fait découvert, c’est que la psilocybine change la perception, pas l’acuité visuelle ou la détection périphérique, la drogue change l’aspect des choses par la manière dont elles sont clairement définies. En fait, au sein d’un article de ces deux scientifiques, ils ont fait la remarque qu’un changement de la perception dû à ‘une faible dose de psilocybine pourrait ne pas être propice’ à la survie de l’organisme ».
Cela dit, même Mr. Woolfe pointe le fait que l’étude utilise « un peut-être », ce qui n’est clairement pas une affirmation. Mais passons. Beaucoup de personnes pointent le fait que l’argument de McKenna, des plus fortes doses de psilocybine mèneraient à « une expérience visuelle d’extase et auraient servi de fondement à la religion », reste à être démontré.
La première trace de religion remonte aux peintures rupestres européennes il y a 40 000 ans, c’est bien plus récent que la période où notre cerveau a doublé en taille. On considère que l’augmentation de la taille du cerveau a eu lieu il y a 2 à 4 millions. Cependant, avec une telle fourchette de temps, il n’est pas déraisonnable de croire que même s’il existait des preuves de religion ou de croyances mythiques à un moment donné, tout aurait aujourd’hui disparu.
LE MOT DE LA FIN SUR LA THÉORIE DU SINGE ENIVRÉ
Alors, peu importe de quel côté de l’histoire vous vous tenez, la théorie du singe enivré n’en est pas moins intéressante. Bien qu’elle ne soit pas enracinée par la moindre donnée scientifique, il reste passionnant de s’imaginer que les champignons hallucinogènes furent les catalyseurs qui nous ont propulsé vers un état plus élevé de conscience et d’acuité mentale.
Il est toujours plus proactif de regarder vers l’avant qu’il ne l’est de regarder en arrière et nous sommes excités de voir ce que le futur nous réserve en termes de recherche sur les psychédéliques, leur régulation et les changements sociétaux qui y sont liés.